SAINT GEORGES SERAIT-IL LE PATRON DES MYCOLOGUES ?
Très fréquent en Europe, il pousse au printemps, en même temps que les morilles et dans le même habitat, chaque année au même endroit. Il est doté d’un parfum typique de farine.
Texte et photos d’Isabelle Carruzzo
Ce matin tout le paysage a pris une belle teinte sépia. Un artiste a déposé une aquarelle orange dans le ciel, une touche saumonée sur la neige des sommets et un fin sable coloré sur les voitures. Des particules originaires d’un désert lointain emmenées par des vents très forts jusque chez nous provoquent ce beau spectacle et une hausse des températures. L’air s’adoucit et l’hiver touche à sa fin. Les premières fleurs éclosent, primevères, perce-neige et bientôt suivront les champignons. Dans l’herbe des prairies, le long des haies, à l’orée des bois on trouvera les tricholomes de la Saint-Georges ou Calocybe gambosa. Il fait son apparition à la mi-mars et disparaît à la fin juin. C’est une espèce robuste facile à reconnaitre.
Identification aisée
Son chapeau convexe, charnu souvent bombé sans mamelon est de couleur blanche, parfois mastic ou jaune pâle, avec l’âge il se tache de roux. Sa surface glabre et sèche donne sous les doigts une sensation soyeuse. La marge est longtemps enroulée.
Les lames blanches, parfois déchirées au sommet du pied, se serrent étroitement les unes contre les autres. Elles deviennent crème dans la vieillesse.
Le stipe concolore au chapeau est dur, trapu et un peu fibrilleux longitudinalement. Rapidement habitée par les vers, la chair épaisse, ferme et immaculée dégage une forte odeur de farine qui peut déplaire à certain.
Habitat typique
Cette espèce liée aux ormeaux, aubépines et prunelliers partage souvent son habitat avec les morilles et les marasmes des oréades. Le Calocybe gambosa pousse en ligne ou en rond de sorcières, il est rarement isolé. Son mycélium transmet à la terre une odeur de farine caractéristique qui permet de repérer les stations avant même que le carpophore se montre. Les cordons mycéliens produisent des substances toxiques que l’on ne retrouve pas dans les champignons.
Il existe des risques de confusion avec les entolomes printaniers qui viennent dans les mêmes milieux. Mais les lames de ceux-ci, roses et espacées, devraient nous faire éviter des ennuis gastriques. L’Inocybe patouillardi, plus dangereux, pointe son chapeau lorsque le tricholome de la Saint-Georges n’a pas encore fini sa poussée en juin. Le brunissement des lames à cause de la sporée et le rougissement parfois intense de certaines parties de l’Inocybe indique la différence entre ces deux champignons.
Vertus cachées
J’ignore si c’est une réalité ou une légende urbaine, d’après un éminent mycologue, M. Romagnesi, le tricholome de la Saint-Georges, même séché, aurait la propriété de faire baisser la teneur en sucre dans le sang et, consommé en trop grande quantité, il pourrait provoquer une hypoglycémie temporaire chez les personnes en bonne santé, déclenchant ainsi des nausées et des vertiges.
En cuisine, je privilégie les jeunes spécimens dont la saveur est moins farineuse. Ils s’apprêtent facilement en conserve ou mieux encore en sauce (herbes, oignons, vin blanc, sel et poivre, bouillon et crème) pour accompagner par exemple les sot-l’y-laisse.
Alors marchez le long des prairies, franchissez l’orée de la forêt, écoutez le silence, laissez vos doutes et allez vivre ces riches expériences mycologiques.