Le tir à bras franc
Que ce soit en battue ou à l’approche, le tir à bras franc requiert une aptitude particulière à prendre en compte de multiples paramètres où la maîtrise de soi occupe un rôle de tout premier plan. Entre l’émotion induite par l’animal et la difficulté toute particulière à gérer la stabilité de l’arme lorsque l’on est debout, il y a en effet peu de place pour l’improvisation. La réussite du tir à bras franc passe tout d’abord par la symbiose d’un couple où il est primordial que l’arme et le tireur fassent entièrement corps. Quand tout est bien réglé, l’arme devient en fait le prolongement matériel du corps. Crosse au creux de l’épaule, œil parfaitement en ligne avec la ligne de visée ouverte ou avec l’optique, busc collé à la joue, l’osmose est totale entre l’arme et le tireur. Pour cela, la mise à conformité de l’arme chez un armurier professionnel est indispensable.
Souvent au-dessous…
Vient ensuite l’entraînement à la gestuelle. Celle-ci doit être parfaitement huilée. En effet, le problème majeur du tir à bras franc repose sur le fait que le corps est exagérément tendu, voire souvent complètement tétanisé. Les muscles se crispent et provoquent quasiment toujours le même défaut – à savoir un tir qui passe souvent au-dessous de l’animal. C’est le coup de doigt classique sur la queue de détente induit par un manque de relâchement du corps. Le tir à bras franc est avant tout un tir statique, situation qui contribue d’ailleurs à amplifier la crispation du chasseur sur son arme. L’un des premiers remèdes consiste à inverser la gestuelle classique qui se met en place lorsque l’on vise. Généralement, le tireur réalise un mouvement descendant avec son arme. La visée se fait alors de façon à ce que la ligne théorique de tir parte de la ligne dorsale de l’animal pour descendre vers le thorax. Problème, en s’approchant du point visé, les bras et les mains se crispent tout en essayant de bloquer l’arme sur le point visé. Phénomène aggravant, le manque d’entraînement provoque une appréhension certaine au tir qui se traduit par une fermeture incontrôlée des yeux au moment de l’appui sur la queue de détente. Tous les paramètres néfastes sont donc réunis pour conduire à l’échec, à savoir le tir au-dessous. Les remèdes sont multiples mais nécessitent avant tout un investissement de temps personnel de la part du tireur.
Plus la main est libre et plus la crispation s’atténue.
Bien respirer
Premier critère, le relâchement. Et celui-ci ne peut intervenir sans avoir travaillé sur la respiration. En effet, la première cause de crispation des muscles repose sur le manque d’oxygénation des muscles. Plus le sang apporte de l’oxygène aux muscles et plus ces derniers se détendent. Certaines techniques de relaxation apprennent à se mettre en hyper-ventilation pour bien se relâcher. Sans aller jusque-là, quelques techniques simples permettent d’éviter l’asphyxie des muscles. Au moment d’épauler l’arme, le fait de pratiquer un large mouvement des bras vers l’avant apporte déjà quelques solutions au problème. Dans un premier temps, cela permet à l’arme de mieux passer le creux de l’aisselle en remontant vers l’épaule. En effet, la précipitation provoque souvent l’accroc de la crosse au creux de l’épaule et tous les désagréments qui en découlent, notamment un énervement passager bien inutile. Dans un deuxième temps, ce mouvement ample vers l’avant donne juste le temps qu’il faut pour expirer et inspirer profondément. L’expiration se fait en avançant les bras qui ferment alors les épaules en expulsant l’air de la cage thoracique. L’inspiration intervient lors du ramené des bras qui ouvrent les épaules et permettent aux poumons de se remplir d’air. Toujours parmi les petites astuces simples, un petit effort du côté du mental s’impose dès lors que l’arme vient juste d’entrer en contact avec l’épaule. En effet, si l’on ne porte pas son attention – ne serait-ce que quelques fractions de seconde – sur le bras qui soutient l’arme, ce dernier se crispe très rapidement, entraînant alors les désagréments déjà cités précédemment.
Sur une arme à canon rayé, le frein de bouche permet de réduire l’appréhension au recul.
Le succès du tir à bras franc repose sur une osmose parfaite entre l’arme et le tireur.
Du bas vers le haut
Contrairement au mouvement de visée qui tend à faire descendre l’arme de la ligne dorsale de l’animal vers le thorax, le déplacement inverse qui vise à faire remonter l’arme en partant de la ligne du ventre améliore le relâchement. En effet, si l’on respecte ce qui a été dit précédemment, quand le tireur inspire en ouvrant les épaules, le remplissage de la cage thoracique pousse l’ensemble du thorax vers le haut. Par conséquent, l’arme suit un mouvement naturel montant. De ce fait, l’inconvénient d’avoir à maîtriser la baisse du canon disparaît presque totalement. D’autre part, si l’on considère l’aspect purement physiologique de l’animal, la distance qui sépare le cœur de la ligne du ventre est beaucoup plus courte que celle qui le sépare de la ligne du dos. En devenant plus réduite, la phase de visée abrège donc d’autant plus l’éventuelle crispation du tireur.
Les trois éléments
Pour être efficace, le tir à bras franc ne s’improvise pas. Il résulte d’un entraînement régulier qui mêle le tir, le travail sur soi au niveau du relâchement musculaire et l’indispensable mise à conformité de l’arme. Quand ces trois paramètres sont réunis, les chances de succès à ce type de tir relativement fréquent se trouvent largement améliorées.
Texte et photos Daniel Girod