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IL Y A AUSSI  DES  CHASSEURS CHEZ… LES CHAMPIGNONS !

IL Y A AUSSI  DES  CHASSEURS CHEZ…  LES CHAMPIGNONS !
Vous reprendrez bien un peu de nématodes ? Ces petits vers ronds très fins (moins d’un millimètre) pullulent dans les sols. Ils parasitent plantes et animaux, endommagent les cultures, mais ne font pas peur aux champignons, champions toutes catégories de l’adaptation.

Texte et photo de Giovanni Sammali 

 « Ce sont quand même eux qui ont été les premiers à coloniser la terre, en même temps que les végétaux ! », lance Gaëlle Monnat, mordue de mycologie. Quand sa passion est née, cette experte VAPKO (Association suisse des organes officiels de contrôle de champignons) ne s’attendait pas à découvrir que les champignons, fructifications du mycélium, d’apparence si paisibles sous leur infinité de chapeaux, ont développé des techniques de chasse (lire encadré) ! Mais elle n’a pas été estomaquée pour autant : « Les champignons sont très innovants. Ce sont eux qui ont inventé la dégradation de la lignine pour se nourrir du bois et ainsi devenir les champions toutes catégories des décomposeurs.»

Cette passionnée a attrapé le virus avec Daniel Job, son professeur de mycologie en deuxième année de bachelor en biologie. Elle ne s’en est plus remise. Depuis 2007, elle travaille dans le monde des champignons pour des mandats d’expertises, des animations… et enseigne depuis 2012 les sciences dans une école privée au niveau du secondaire.

La chasse est naturelle
Cette bouillonnante spécialiste du règne des Fungi est par ailleurs une vegane convaincue. Impossible du coup de couper à la question « philosophique » : peut-elle encore imaginer manger des pleurotes en huîtres, champignon chasseur de nématode, comestible renommé et même cultivé ? « Oui, car pour moi, chasser pour se nourrir est naturel et fait partie de l’ordre des choses. Il y a aussi des végétaux qui en parasitent d’autres. Pensez aussi aux plantes carnivores ! Un chasseur chassant pour consommer sa proie, ça ne me choque pas. En revanche, chasser pour le seul plaisir de tuer, comme dans certaines chasses, aucun autre animal ne le fait.»

Empoisonnés ou… attrapés au lasso!

Les nématodes sont constitués notamment d’azote présent dans les acides aminés des protéines, un élément nécessaire aux organismes vivants. Certains champignons, une cinquantaine d’espèces connues à ce jour, ont développé des techniques pour les capturer et les manger. Prêt·e·s ? Que la partie de chasse commence !
Les strophaires chassent leurs proies grâce à de petites cellules épineuses, dites acanthocytes, qu’ils ont développées sur leur mycélium. Lorsque les nématodes s’y frottent, ils sont piqués, leur corps est dégradé en quelques heures et nourrit le champignon.

La famille des pleurotacées fait pousser des cellules spécialisées, dites gliosphex. Celles-ci immobilisent les nématodes avec une boulette de liquide aux actions collantes et digestives. Après l’action des enzymes, le champignon peut absorber les petits acides aminés contenus dans le ver.

D’autres pleurotes développent des toxocystes, qui fabriquent elles aussi des gouttelettes toxiques. Pas d’effet collant ici : les nématodes touchant la goutelette, une toxine frappe le système nerveux des vers et les immobilise. Le champignon dégaine alors des hyphes, sortes de petites piques, dans la bouche des vers, y sécrétant des enzymes qui fragmentent les protéines devenant du coup absorbables par le champignon.

La technique la plus proche de la chasse « humaine » est celle du lasso ! Le mycélium de certains zygomycètes forme de minuscules collets. Quand le nématode s’y engage, et qu’il tente de se libérer, le collet se resserre. Il y a même une forme plus perfectionnée encore : un vrai lasso, constitué de trois cellules en forme de boucle. Au contact de la proie, les cellules se gonflent brusquement et enserrent le ver qui est ensuite digéré aussi par pénétration.

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