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GIBIER BLESSÉ, RECHERCHER PARTOUT ET TOUJOURS

GIBIER BLESSÉ, RECHERCHER PARTOUT ET TOUJOURS
Un gibier blessé, ou supposé blessé, impose toujours une recherche en bonne et due forme. Mieux vaut toujours engager une opération pour rien, plutôt que de laisser une bête agoniser. 

Texte et photos d’Henri Baumgartner

 

Avec plusieurs dizaines d’années de chasse, je comptabilise inévitablement quelques expériences, en grande majorité avec une fin positive. Mes témoignages se réfèrent parfois à des expériences vécues hors de nos frontières, mais permettent d’en savoir un peu plus sur la façon de faire hors de notre pays. Relevons qu’il y a cinquante ans, nos recherches se limitaient à une courte suite sur la trace de la bête et bien sûr avec davantage d’intérêt s’il y avait du sang. C’est ainsi que j’ai retrouvé mon premier brocard. Souvent c’est le chien qui finissait sa course au gibier, mais il y avait aussi ceux qui stoppaient leur effort en arrivant au coup de feu. Heureusement, avec les années, une évolution positive s’est assez rapidement développée avec des chiens spécifiques à la recherche, ceci influencé par ce qui se passait notamment en Allemagne.

Solide mouflon

Une « aventure » un peu ancienne qui m’a beaucoup impressionné, c’est le cas de ce mouflon hongrois. On m’avait dit qu’il s’agissait d’un gibier qui encaisse et résiste plutôt bien au coup, lequel coup en l’occurrence m’avait paru assez bon. Mais la bête avait pris la fuite, en laissant cependant un peu de sang. Après une cinquantaine de mètres dans la forêt sans rien trouver, mon guide me dit « Hund », ce que je trouvais logique. Il revient un quart plus tard avec le chien. En voyant celui-ci, du genre grand griffon, je n’ai pas un instant douté du résultat positif de notre recherche, tant celui-ci présentait du feu et surtout semblait savoir ce qu’on allait lui demander. Il le lâcha sans autre sur la piste qu’il suivit rapidement, nous nous sommes hâtés derrière lui, l’avons perdu de vue, mais bientôt avons entendu les grognements classiques d’un chien qui tient son gibier. Je n’ai pas su s’il a retrouvé mon mouflon mort ou si c’est lui qui l’a étranglé, mais la conclusion me comblait. Bravo au chien !

Sur un autre continent, en Asie, à haute altitude à la recherche du mouflon Marco Polo : je fais groupe avec un Allemand. Au troisième jour, alors que je rentre au camp avec mon gibier (chargé sur un cheval), mon camarade présente un certain désarroi. Il a blessé, sans doute à une patte avant, et la bête est partie dans la montagne. Sachant qu’en cas de blessure avérée, c’est considéré comme tiré, il est dans tous ses états. Son guide lui fait comprendre qu’ils iraient le chercher à deux. Et surtout qu’ils iraient sans lui. Donc au matin suivant, nous assistons à leur départ, avec un peu d’eau, un petit casse-croûte, et j’insiste, un bon poignard comme seule arme, un fusil étant gênant pour escalader la montagne. Et le soir, nous les voyons revenir fièrement avec la tête du mouflon, et la viande dans un sac. Ils nous ont expliqué qu’ils ont dû beaucoup grimper, changer de vallée, que la bête avait effectivement une patte avant brisée et ne pouvait pas se sauver facilement (d’autant plus qu’elle n’a pas l’adresse d’un bouquetin). Ils l’ont donc forcée, coincée et achevée au couteau. J’ai d’ailleurs retrouvé cette volonté de récupérer le gibier au couteau en montagne à une autre occasion, j’imagine que c’est un défi que se donnent les guides (lesquels ont droit alors à un sérieux pourboire).

Corbeaux indicateurs 

Nous restons en Asie, au Kirghizistan à la recherche d’un grand bouquetin. Après avoir crapahuté toute une journée avec un guide, nous tombons enfin sur la harde des mâles, qui d’ailleurs se trouve généralement en fin de vallée. Je repère le vieux qui ferait bien l’affaire, cependant la suite devient difficile à cause des courants et je risque un coup un peu hasardeux, que ma fatigue n’améliore pas. Ça part dans la montagne, mais nous trouvons du sang. Par contre pas de victime, même au loin. Le soir tombe, nous rentrons avec l’intention de revenir le lendemain. Je tenais à une recherche sérieuse. Longue marche de plusieurs kilomètres que nous reparcourons ensuite à cheval après une nuit de repos, et finalement montons sur la place de tir toujours à cheval ; ce fut l’occasion d’apprécier l’extraordinaire agilité des chevaux de là-bas. A pied ensuite, nous suivons la trace de sang sur plusieurs centaines de mètres pour atteindre un petit cirque au milieu duquel est couchée ma bête. Elle a encore la force de se lever, mais ne reste pas debout longtemps, mon coup frappe juste ! Une chance aussi que des loups ne soient pas passés par là… Cette anecdote nous place sur la recherche en terrain ouvert, soit la montagne, avec l’avantage de généralement aboutir sans trop de peine à une conclusion heureuse (c’est spécialement valable pour notre chasse au chamois en hauteur). Il reste encore à noter que dans ces conditions, des oiseaux tels les grands corbeaux peuvent être de bons indicateurs, il m’est effectivement arrivé qu’ils soient sur place avant moi.

Dans le Grand nord

Traversons l’Atlantique pour nous rendre à Terre Neuve. J’y ai cherché un élan. Mais ça n’allait de loin pas facilement et c’est le dernier jour qu’une occasion se présenta. Un peu nerveux, je tire de pointe en hâte et blesse. Là-bas, c’est la manœuvre classique. Nous marquons l’endroit, allons chercher un chien créancé pour la recherche et entamons le travail. Nous y passons des heures et abandonnons faute de résultat, malgré la bonne volonté exemplaire du chien. On me demande encore de faire un croquis de l’animal lors du coup de feu, de me repositionner comme au tir, bref rien n’est négligé. Vu l’échec de la recherche, nous concluons qu’il se pourrait que le coup ait été mal centré et que la bête ait survécu. Et je suis rentré en Europe sans trophée et déçu. Pour la petite histoire, j’y suis retourné l’année suivante, j’ai davantage dirigé les choses pour éviter ce qui ne m’avait pas trop plu auparavant et ce fut un magnifique succès. 

La bête noire

Et le sanglier, bien sûr. Un soir, je lâche un coup sur une bête de taille moyenne, mais rien à récolter de suite. On recherche le lendemain avec un chien créancé, il marque de l’intérêt sur 200 mètres puis plus rien, le conducteur doute alors qu’il ait été sérieusement blessé. Sanglier toujours. Une aventure en Turquie me laisse un peu dubitatif. On m’a placé sur un mirador surplombant un champ de céréales avec l’idée d’un tir de nuit, c’est le clair de lune. Vers 11 heures, en voilà un, un gros ! Je le distingue bien et le coup n’est pas difficile, mais il s’enfuit et disparaît dans la forêt proche. Pour la recherche du lendemain matin, à ma surprise, mon guide insiste pour aller chercher seul. Actuellement je lui signifierais que je l’accompagnerais même si ça ne lui plaît pas, mais j’étais encore jeune. Bref, au petit déjeuner il vient me chercher pour que je voie la bête, je ne doute pas que ce soit elle d’après l’emplacement du coup – qui n’est pas mauvais –, mais un gros sanglier est résistant.

Anecdotes spéciales. En 2002, j’ai eu la chance de pouvoir effectuer une semaine de chasse en Namibie, dans un grand territoire privé. Il y avait abondance de gibier, mais par exemple la rencontre d’un grand koudou âgé ne s’est pas faite facilement. Quand enfin l’occasion se présenta, mon coup me parut parfait. Et départ instantané de la bête. On trouve du sang assez rapidement, puis plus rien. Nous poursuivons la recherche dans une zone buissonnière et retrouvons assez facilement mon koudou grâce à sa très grande taille. Il y a eu aussi ce désir de tirer un babouin (on m’a d’ailleurs encouragé car ces singes sont mal vus). Je tire sur un gros mâle, coup difficile, car ça bouge toujours. Il est blessé, mais reste avec les autres. Mon guide me déconseille de le chercher, on pourrait avoir toute la bande sur le dos ! Une recherche donc impossible. Cependant j’ai eu mon babouin, un autre, car sa bande s’est éloignée en constatant la mort de celui qui était peut-être le chef.

Près de chez nous

Revenons à du local. J’ai éduqué moi-même au rouge un petit chien poilu du genre teckel un peu haut sur pattes, et j’ai apprécié l’intérêt qu’il portait à la recherche, parce que c’était un bagarreur. Et tomber sur une bête pas encore morte lui donnait des opportunités. Ce fut le cas sur quelques chevreuils qu’il attrapait toujours à la gorge et ne lâchait que quand on le séparait. Son plaisir manifeste était la recherche du renard avec un éventuel combat à la clé. Dans les années 80, on chassait encore le faisan au Seeland. J’avais lu la difficulté qu’il pouvait y avoir à récupérer un coq désailé. J’ai eu la possibilité de tester la chose avec mon setter anglais qui avait rapporté mon coq après une recherche mémorable. 

Derniers récits : dans ma région, il y a eu aussi la recherche tragique d’un jeune chasseur qui perdit pied dans des roches et fut retrouvé mort à côté de son chamois. Et quelques années après, mon compagnon de chasse a évité la même aventure au même endroit en s’adjoignant les services d’un guide montagnard ; le chamois fut retrouvé bien bas. Enfin, pour se moderniser, on peut penser à l’utilisation occasionnelle d’un appareil à vision infrarouge. Mais je n’ai pas d’expérience à ce sujet. 

En appréciant les progrès faits depuis des années dans la recherche du gibier blessé, ou supposé l’être, mais surtout en invitant chacun de nous à ne rien négliger dans ce domaine, nous limitons les risque de laisser périr des animaux, et contribuons à soigner l’image de la chasse. 

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