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FAVORISER LA MOBILITÉ POUR LIMITER LA MORTALITÉ

FAVORISER LA MOBILITÉ POUR LIMITER LA MORTALITÉ
Entre 900 et 1300 grands et moyens mammifères trouvent la mort sur les routes chaque année dans le seul canton de Fribourg. Le service compétent met à jour une géodatabase, qui permet de mettre en évidence les secteurs problématiques et envisager les meilleures solutions pour minimiser ces accidents.

Texte et illustrations d’Elias Pesenti, inspecteur de la chasse à Fribourg

 

Gestion de la faune 

Dans le canton de Fribourg, le Service des forêts et de la nature (SFN) s’occupe notamment de la gestion de la faune sauvage, une tâche qui comprend de nombreux domaines comme la conservation des espèces, la sylviculture, la chasse, la protection des habitats, l’agriculture, la biologie de la faune, l’écologie des espèces, la médecine vétérinaire… tout ce qui est situé à l’intersection de l’homme et de l’habitat de la faune.
La gestion de la faune vise deux buts principaux : la durabilité écologique, préserver et promouvoir la biodiversité de la faune sauvage indigène, ainsi que la durabilité économique qui vise à limiter les conflits (par exemple forêt-faune, agriculture-faune, trafic-faune, etc.).
Pour ce faire, plusieurs données indispensables concernant les populations doivent être analysées et prises en considération : effectif, densité, biologie, dynamique des populations, sex-ratio, compétition inter- et intraspécifique, répartition spatiale, taux d’accroissement, prélèvements (accidents, maladie, chasse…), etc. Ce dernier point, trop souvent sous-estimé, a un effet très important dans la gestion de la faune sauvage. En effet, afin de gérer les espèces de manière durable et efficace, il est primordial d’en connaître également les différentes causes de mortalité. Dans le canton de Fribourg, la raison la plus importante (hors chasse) est le trafic routier. Chaque année, entre 900 et 1300 mammifères (moyens et grands) trouvent la mort sur les routes (cantonales et nationales) du canton. Ces données, récoltées surtout par les gardes-faune, sont systématiquement saisies dans une géodatabase afin de pouvoir effectuer des analyses spatiales permettant de mettre en évidence les secteurs problématiques en termes de conflit entre le trafic routier et les déplacements de la faune sauvage (figures 1 et 2). 

Déplacement de la faune 

Il est important de souligner que beaucoup d’animaux sauvages ont un grand besoin de mobilité, que ce soit pour se nourrir, se reproduire, migrer ou encore trouver des zones de repos. La forêt constitue l’habitat favori de nombreuses espèces animales qui doivent se déplacer d’un massif à l’autre afin de répondre à leurs divers besoins biologiques. Les corridors à faune constituent les voies utilisables par les animaux pour se déplacer entre les massifs forestiers. Ce sont des fragments d’axes de déplacement de la faune délimités par des structures naturelles ou anthropogènes, constitués de cordons boisés, de haies, de zones agricoles, etc. Les fonctions principales des corridors à faune sont donc de permettre la migration et la dispersion des espèces animales à grande échelle ; de rendre possible l’échange des individus et des gènes entre les différentes populations ; de servir non seulement de connexion mais aussi d’habitat (biotope) à différentes espèces ; et finalement de faciliter la recherche d’un partenaire pour la reproduction.
La faune sauvage est souvent entravée dans son déplacement par de nombreux obstacles naturels et anthropogènes. Les agglomérations et notre réseau routier dense constituent par exemple des barrières souvent infranchissables (surtout dans la région du Plateau), tout comme certaines clôtures. Ce phénomène de coupure du territoire, appelé souvent fragmentation des habitats, constitue à long terme une menace pour les populations animales. Un assainissement, tel que la construction d’un passage à faune, est alors nécessaire (figure 3). Les passages à faune sont des ouvrages de franchissement construits à travers des voies de circulation existantes ou projetées, permettant de rétablir ou de conserver les possibilités de déplacement de certaines populations animales de part et d’autre d’une infrastructure de transport. Ils constituent de ce fait un renforcement du réseau écologique, qui permet à la faune de circuler sur le territoire. 

Assainissement dans le canton de Fribourg
Après une révision de l’étude de base menée par le SFN concernant les corridors à faune d’importance suprarégionale et régionale (Pesenti et al. 2016), plusieurs problématiques concernant la perméabilité de certains corridors avaient été mises en évidence. Une série de mesures avait été proposée, comme par exemple l’insertion des corridors à faune dans une base légale (art. 37 de l’Ordonnance du 21 juin 2016 concernant la protection des mammifères, des oiseaux sauvages et de leurs biotopes, OProt). Cette première disposition a permis, et permet toujours, de mieux garantir leur perméabilité en exigeant la mise en place de mesures de compensation en cas de construction d’un nouvel obstacle. En outre, d’autres moyens plus ponctuels ont également été mis en place dans le canton de Fribourg. Pour exemple, les clôtures (obstacles infranchissables) sous le viaduc de l’autoroute dans le corridor à faune FR-03 (Galmiz) ont été enlevées, en collaboration avec l’Office fédéral des routes (OFROU), afin d’élargir le seul passage utilisable par la faune sauvage (figure 4).
Grâce notamment aux nombreuses données récoltées chaque année par les gardes-faune concernant le gibier péri, il a été possible au SFN d’effectuer des analyses spatiales plus fines sur les secteurs problématiques mis en évidence lors de la révision de 2016. Ces analyses ont amené à deux importants projets d’assainissement :
Assainissement du corridor à faune FR-23 (La Joux des Ponts, commune de Vaulruz), ainsi que du corridor à faune FR-16 (Saussivue, commune de Gruyères).


Concernant le corridor à faune FR-23, la construction d’un passage à faune standard supérieur (« pont vert ») souhaité par le Canton et intégré comme projet pilote dans le nouveau plan d’action biodiversité adopté par le Conseil fédéral en 2017, permettra non seulement une ouverture à d’autres habitats pour la faune sauvage, mais assurera également une nette amélioration de la sécurité routière, ceci surtout suite à la recolonisation naturelle dans ces régions par le cerf (figure 5). Après des retards, dus notamment à la crise sanitaire de 2020-2021, ce premier ouvrage complémentaire (estimé à plusieurs millions de francs) devrait être réalisé d’ici 2027.
Une étude concernant l’assainissement du corridor FR-16 a par ailleurs été publiée par le SFN en août 2017 (Pesenti et al., 2017). Cette dernière envisage également la construction d’un passage à faune supérieur standard dans le secteur de Saussivue. Le Service des ponts et chaussées (SPC) travaille actuellement en étroite collaboration avec le SFN afin de trouver la meilleure solution à cette problématique. Ce deuxième ouvrage, estimé également à plusieurs millions de francs, devrait être réalisé d’ici 2025-2027. 

Travaux futurs
En plus de ces deux projets qui permettront une liaison efficace entre les régions du Plateau et celle des Préalpes pour une grande partie de la faune sauvage, une nouvelle révision des corridors à faune d’importance locale sur tout le territoire cantonal est en cours, avec une publication prévue en 2023. Cette dernière analyse permettra de compléter l’information concernant les corridors à faune et leur assainissement ainsi que les déplacements de la faune sauvage dans le canton. Elle pourra être utilisée comme base scientifique de travail pour d’autres stratégies cantonales, comme la Stratégie cantonale biodiversité (SCB) actuellement en cours de finalisation.

Il y a certes encore beaucoup à faire et nous espérons que notre expérience saura « influencer » d’autres cantons afin de garantir à long terme une gestion durable des espèces grâce notamment à l’amélioration de la connectivité de leurs habitats. La minimisation des risques de collisions avec les véhicules sur les routes est évidemment un autre objectif, celles-ci pouvant avoir des conséquences dramatiques.

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