ELISABETH HOLM UNE CHASSERESSE QUI AIME TRANSMETTRE
Auteure du guide Nature & Aventures à paraître au printemps prochain, Elisabeth Holm raconte son parcours de femme, de chasseresse, et d’écrivaine d’un livre qui pourrait bien devenir une référence pour la jeunesse intéressée par la nature et sa gestion.
Propos recueillis par Vincent Gillioz
Elisabeth, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis née en 1983 et suis d’origine grisonne. Mais j’ai grandi dans le Pays-d’Enhaut, à Rossinière, où j’ai vécu une enfance heureuse, proche de la nature, à construire des cabanes et observer la faune. J’ai fait mes études de lettres à Lausanne, et je vis aujourd’hui dans un village du Jura Vaudois. J’ai un master en lettres – philosophie, histoire et mineure en sociologie – et je suis enseignante dans une école professionnelle aux Paccots. Je suis également directrice de cette école qui compte environ cent trente élèves.
Peux-tu nous raconter comment tu es venue à la chasse ?
Je n’ai pas de parents proches chasseurs, mais je me souviens que quand nous allions en vacances aux Grisons, il y avait des trophées chez certains membres de ma famille, et ça m’a toujours fascinée. Il y a aussi eu un voisin chasseur à Rossinière, qui m’avait fait goûter une bourguignonne de chamois. Il avait des oiseaux naturalisés, ça m’a également interpellée et intéressée. Il ne m’a par contre jamais proposé d’aller à la chasse avec lui, mais une graine avait probablement été plantée à l’occasion de nos rencontres.
Après mes études, et une dizaine d’années passée en ville, j’ai eu besoin de reconnecter avec la nature et suis repartie vivre à la campagne. J’ai fait de la photo, du parapente, de la randonnée… Mais il me manquait quelque chose. J’ai eu la chance de faire la connaissance d’une personne qui m’a proposé d’aller faire l’ouverture en Valais. Nous avons été au cerf dans la région de Valsorey et j’ai été conquise. Il a pu tirer une bête, je l’ai vidée, et nous l’avons ramenée au fond de la vallée. J’ai compris ce que ça représentait, et que je voulais devenir chasseresse. Je me suis lancée dans le permis, dans le canton de Vaud, même si plusieurs personnes m’ont mise en garde affirmant qu’il s’agissait du permis le plus difficile d’Europe.
Et ça ne t’a pas découragée ?
Non, pas du tout, j’ai suivi la formation durant laquelle j’ai énormément appris. Puis j’ai passé mon permis en 2016. Il y a eu des dossiers plus durs que d’autres, notamment tout ce qui touche aux armes, car je n’ai fait ni l’armée ni les jeunes tireurs. Cet aspect est peut-être plus laborieux pour une femme, mais il n’y a rien eu d’insurmontable. J’ai été soutenue, j’ai rencontré des gens qui m’ont emmenée à la chasse. J’ai pu rejoindre un groupe de chasseurs de cerfs. J’ai également rencontré durant cette formation mon conjoint Paul, avec qui je suis en train de fonder une famille.
Depuis 2021, j’ai également pris un chien, Sako, un basset des Alpes qui a une superbe voix. Je chasse avec mon conjoint, nous allons au chamois, au sanglier, au chevreuil. Depuis que nous avons le chien, nous ne faisons presque plus d’affût.
Pour parler plus précisément du guide Nature & Aventures, peux-tu nous raconter comment t’est venue cette idée ?
Il y a plusieurs facteurs et mon activité professionnelle en fait partie. J’organise des ateliers avec mes apprentis en hiver, dans la nature. Nous faisons de l’observation de traces d’animaux, d’oiseaux, et autres activités. J’ai réalisé le manque de connaissances qu’avaient certains jeunes de la nature, mais j’ai par contre relevé un énorme intérêt de leur part. Je travaille souvent avec une population qu’on peut qualifier de défavorisée, et qui n’a pas d’accès à ce qui touche à la chasse ou à la faune, qui ne profite pas forcément de la nature. Je me suis dit qu’il fallait tenter de combler ce manque et proposer un outil qui favorise l’éveil à tous ces thèmes.
Des discussions avec des amis parents d’élèves m’ont encore fait comprendre qu’il y avait un intérêt pour la chasse, mais peu de possibilité d’obtenir de l’information, hors du sérail. Le milieu de l’enseignement est souvent défavorable à la chasse, ce qui contribue à une méconnaissance de cette dernière. Bref… tous ces éléments m’ont incitée à développer une idée de guide de la nature, ancré sur l’activité de la chasse et la gestion de la faune, qui soit le plus complet possible.
Comment es-tu passée de l’idée à la concrétisation du projet ?
J’en ai parlé à gauche et à droite, à mon groupe de chasse. Anne Munzinger, qui est présidente de la Fédération cynégétique genevoise, m’a incitée à aller présenter mon idée à Pascal Pittet, le président de Diana Romande. Il m’a reçue et a été enthousiaste. Il m’a proposé d’aller de l’avant, de cadrer une proposition. Ensuite, les choses se sont passées assez vite. Pascal Pittet a fait suivre l’idée à ChasseSuisse, qui a également été emballée, à la condition de faire le livre en trois langues. Nous avons fait un appel d’offres pour trouver une équipe de réalisation chargée du graphisme et des illustrations. Jérôme Reymond, vice-président de Diana Romande, a pris en charge la direction du projet. Un comité de rédaction chargé de m’épauler s’est formé, un éditeur a été trouvé, ainsi qu’un financement, le nerf de la guerre. Tout s’est enchaîné de manière assez incroyable. Je crois que je suis arrivée au bon moment, peu après la votation de 2019 durant laquelle nous avons vu l’ampleur du manque d’information du grand public sur la chasse. Je suis évidemment très reconnaissante à Diana Romande et ChasseSuisse, ainsi qu’à tous les sponsors de m’avoir fait confiance, et de m’avoir accompagnée et soutenue pour le réaliser. Je profite de l’occasion pour remercier tous ceux qui se sont impliqués d’une manière ou d’une autre dans ce projet.
Qu’en est-il de la réalisation, la masse de travail a-t-elle été à la hauteur de ce que tu imaginais ?
Ça a été un énorme boulot. Je travaille dessus chaque jour depuis un an, et j’y ai passé tout mon été. J’ai une formation en lettres, donc j’ai une certaine aisance avec l’écriture, mais ça ne fait pas tout. J’ai réalisé une mindmap pour démarrer, c’est un document qui permet de visualiser l’ensemble du projet sur une seule page. Ensuite, il a fallu faire le livre, chapitre après chapitre, avec Julia Dubuis, la graphiste, et Colin Montet, l’illustrateur qui fait les dessins de Diana, chasse et nature depuis un an. C’est un livre qui est complètement sur mesure. Nous n’avons pas rempli les cases d’une maquette, mais véritablement construit chaque chapitre individuellement. En plus de ça, il y a eu le travail de traduction, la mise en page dans les autres langues… Les échanges permanents avec le comité de rédaction, les validations… On n’imagine pas la quantité de travail qu’il y a derrière un pareil projet.
Aujourd’hui, le livre est terminé, il est en phase de finition, quel regard portes-tu sur le travail accompli ?
Nous avons reçu il y a peu le fichier du livre complet. Je dois dire que ça a été un grand moment d’émotion. Je suis ravie de voir l’aboutissement, d’autant plus que l’OFEV et Pro Natura ont accepté de préfacer l’ouvrage. C’est un énorme gage de crédibilité qui va permettre à la chasse d’être perçue d’une nouvelle manière. Il reste encore pas mal de choses à faire avant la mise sous presse, et la vente. La partie marketing est en phase de développement. Nous avons prévu cinq mille exemplaires en trois langues.
En parallèle du livre, nous avons réalisé une série de vidéos, avec des tutos sur plusieurs activités présentées dans les différents chapitres. Il y a pas mal de choses qui viennent en complément. Nous allons observer le succès des ventes. Et si ça fonctionne bien, j’ai encore plein de projets qui pourraient faire suite à cet ouvrage, un magazine, une newsletter, des concours… Nature & Aventures ne va pas s’arrêter à la publication du guide.
Le livre pourra être commandé sur internet via natureetaventures.ch et sera bien sûr disponible en librairie dans le courant du 1er semestre 2023. Il sera vendu au prix de 39 francs.