ANNE MUNZINGER, CHASSERESSE ENGAGÉE ET PASSIONNÉE
Présidente de la Fédération cynégétique genevoise depuis 2019, Anne Munzinger veut faire valoir les connaissances des chasseurs dans un canton où l’activité est réservée à quelques fonctionnaires.
Portrait d’une passionnée que les défis n’effraient pas.
Texte et photos d’Alain Rossier
Anne Munzinger n’avait peut-être pas la chasse pour cible dans ses loisirs et activités, jusqu’au moment où elle a rencontré Patrick, qui allait devenir son mari. Comme quoi, la symbiose n’est pas seulement une affaire de nécessité pour le développement d’une plante ou d’un champignon ! À la ville, Anne s’occupe de l’administration de l’entreprise familiale mais elle est surtout présidente de la FCG, et responsable de l’organisation du sauvetage des faons dans le canton de Genève. « L’appel de la forêt et de la montagne m’a toujours habitée, raconte-elle. Les randonnées en famille, la recherche de champignons, la pêche à la truite dans les rivières d’altitude ont fait partie de mes premières passions. La chasse m’a prise il y a déjà vingt-deux ans, et c’est sur le canton de Vaud que je quête principalement le gros gibier. J’ai passé également les examens de chasse valaisans et possède mon permis de chasse français.»
La famille avant la chasse
Mère de deux grands enfants et déjà grand-mère de deux petits-enfants, Anne a d’abord consacré son temps à sa famille, avant de profiter de la chasse. « J’ai patienté jusqu’à l’âge de 34 ans avant de chasser, en restant sagement à la maison, soit le temps qu’il m’a fallu pour élever mes deux enfants.» Réputée très bonne cuisinière et épicurienne, elle a très vite su mettre en valeur la venaison ramenée par le chasseur et pêcheur de la famille. Elle sait apprêter le foie de sanglier mieux que personne, et cuisine souvent avec son mari. « J’aime savoir ce que l’on met dans son assiette, avoir de bons rapports avec l’aliment dont je tiens à connaître la provenance. J’accorde aussi beaucoup d’importance à l’empreinte énergétique, et s’il fallait me mettre dans une case (on aime bien mettre les gens dans une case), la mienne serait celle du « locavore » ! Je cultive mon potager et troque volontiers du gibier contre d’autres produits locaux à chaque occasion qui se présente. »
L’éthique avant tout
« Pour moi, aimer la chasse, c’est aussi savoir la respecter et en accepter les conditions liées à son éthique ! Si je mange un animal que j’ai chassé, je trouve honnête de me confronter à la réalité d’ôter la vie, mais aussi de lui offrir une certaine gratitude. Elle consiste à honorer la bête en prenant soin de travailler sa viande dans toutes les règles de l’art. Il faut aussi en conserver toutes les parties et ne jeter que le nécessaire. Finalement, on peut apprêter, consommer et déguster tous les bons morceaux en restant connecté aux belles journées passées en forêt avec les amis chasseurs.
» En plus, j’ai une passion pour les chiens de chasse. J’aime travailler avec eux en binôme et vivre des journées intensément en toute complicité. C’est pour cela que la chasse du sanglier me passionne, j’aime faire le pied avec un chien, puis ensuite seulement, aller au-devant de la bête avec mon compagnon à quatre pattes.» Car Anne ne craint pas la confrontation directe avec la bête noire ou le grand cerf, lorsque Finette, sa fidèle équipière, les tient au ferme !
« J’aime aussi beaucoup être en pleine nature pour en apprécier toute l’authenticité. De nos jours, nous sommes sollicités de toutes parts, tandis que là, à la chasse, nous sommes absorbés par notre quête dans l’environnement serein, souvent féérique. Les jeux du brouillard avec le soleil, les feuilles d’automne qui tournoient, les vocalises du grand corbeau et tant d’autres beautés me fascinent.»
De la chasse à la présidence
Au-delà de sa relation avec la nature et les chiens, Anne Munzinger aime les relations humaines que permettent la chasse : « Dans les groupes de chasse, les traits de caractère des participants se révèlent particulièrement et les masques tombent ! La mixité, le mélange des générations, les échanges des pratiques de chacun des adhérents, relèvent de leur évolution dans le temps. Ce partage permet aussi la transmission des bonnes pratiques aux jeunes chasseurs en devenir. Habitant à Genève, de septembre à fin janvier, je chasse principalement dans le Jura vaudois, dans les Préalpes, pour le chamois, et un peu en France voisine dans le massif des Voirons. Lors de la suppression de la chasse genevoise, en 1974, je n’avais que 9 ans ! J’ai intégré la société de chasse FCG Saint-Hubert pour soutenir l’action de notre président de l’époque, Alain Rossier, et ainsi apprendre et comprendre la problématique genevoise. Lorsque Alain a pris sa retraite de président, j’ai rejoint le nouveau comité présidé par Eric Schweizer, où j’ai occupé le poste de caissière. C’est en avril 2019 que j’ai accepté la présidence, avec un objectif principal, faire en sorte que les membres de la FCG puissent participer, en tant qu’« auxiliaires », au Service de la faune et de l’environnement.»
Tâche complexe
Convaincue que les chasseurs genevois, qui pratiquent en France ou dans d’autres cantons, peuvent faire profiter l’Etat de leurs connaissances cynégétique, Anne s’est heurtée à de nombreux blocages, et aux a priori des responsables cantonaux de la faune. L’idée de confier certains tirs de régulation à des tiers bénévoles a d’ailleurs été mal prise par les sous-commissions de la faune et de la biodiversité, qui ont craint une forme de réintroduction de la chasse à Genève. « Il ne s’agissait absolument pas de réintroduire la chasse à patente sur le canton, mais bel et bien de participer à la gestion de la faune, comme cela se fait dans de nombreux cantons romands ! Les chasseurs genevois peuvent renseigner nos citoyens et répondre aux nombreuses questions qu’ils se posent. Au même titre, nous savons aussi parler en face des personnes que la chasse dérange. J’ai déjà été sollicitée par d’autres pays, pour expliquer notre situation cantonale particulière dans sa manière de gérer la faune. Les milieux écologistes citent souvent l’exemple de Genève sans chasse, mais est-il reproductible dans n’importe quels autres pays ou régions giboyeuses ? »
Chasse au féminin
À la question de savoir si elle considère comme un acte engagé le fait d’être chasseresse dans un monde majoritairement masculin, Anne Munzinger répond : « Je ne vois pas de raison pour que la chasse reste un bastion masculin. Les hommes que nous côtoyons sont ravis de partager leur passion avec nous ! Lorsque je suis sur le terrain, je me sens avant tout chasseresse, d’égal à égal, je traque avec mes chiens, j’assume mon tir et éviscère mon gibier. Les conditions sont parfois rudes avec la météo et l’environnement, mais je crois que les femmes sont résistantes aux épreuves physiques.» Anne considère encore que les femmes amènent une sensibilité différente, souvent très appréciée. Elle aime participer à la boucherie et préparer les bons morceaux qui seront mis en valeur sur la table familiale, ou partagés avec des amis. « La cynégétique m’a permis de rencontrer de belles personnes qui m’ont toujours soutenue, mais aussi quelques grincheux que j’ai vite oubliés ! J’encourage mes congénères à s’approcher des milieux de chasseurs pour tester leurs envies d’évasion dans la vraie nature et profiter des émotions que la chasse procure.»