ACQUÉRIR UN CHIEN, EXPÉRIENCES ET CONSEILS
Avant de pouvoir compter sur un auxiliaire canin, il convient de bien réfléchir sur ce que l’on veut faire, pour déterminer des choix tels que la race ou le sexe de son futur compagnon de chasse. Les coups de cœur peuvent déboucher sur des échecs et des déconvenues. A la fin de l’histoire, on a presque toujours le chien que l’on mérite !
Texte et photos d’Alain Rossier
Que l’on pratique n’importe quelle chasse, orienter sa quête du gibier avec la connivence d’un ou plusieurs chiens apportera des émotions supplémentaires. De plus, ces auxiliaires portent souvent une grande responsabilité dans la réussite de la journée, et parfois leur présence est salvatrice lors de la recherche du gibier tiré. Les critères sélectifs, dans le choix d’une race de chien, sont avant tout dictés par la chasse principale que l’on va pratiquer le plus souvent. Le chasseur dispose d’un panel de races très étoffé qui pourra lui permettre d’accéder à une future collaboration de qualité. Pour éviter de trop grandes discussions, restons-en à l’acquisition d’un chien d’arrêt pour chasser la plume et accessoirement le lièvre. Le cynégète néophyte doit absolument bien ressentir un vrai penchant pour un type d’auxiliaire plutôt qu’un autre. Il peut être influencé par le chien d’un ami qu’il a vu travailler lors d’une invitation. Il peut aussi être emballé par des récits lus dans des revues cynégétiques ou cynophiles. Parti de là, le futur chasseur / conducteur devra réellement mettre tous les atouts de son côté dans son choix, sachant qu’il va être accompagné pendant plus de dix ans par le même sujet. Une recommandation me paraît aussi fondamentale : un accord durable doit être partagé avec les membres de la famille et peut-être plus particulièrement avec la maîtresse de maison ! Cela évitera des tensions que le chien ressentira obligatoirement et qui pourraient agir négativement sur son comportement. Etant actif dans un club de race, je ne saurais pas encourager l’acquisition d’un chien sans papiers, mais je ne voudrais pas non plus critiquer le chasseur qui va prendre un chiot sans pedigree. Dans des portées d’amateurs se cachent très souvent des chiots qui, bien accompagnés dans leur vie, sont capables de devenir d’excellents chiens de chasse, voire de concours ! Mais attention, l’acquéreur ayant l’intention de faire du Field trial, ne pourra pas engager son compagnon non inscrit à un livre d’origines officiel. Chaque pays a une société canine centrale qui offre ses services dans l’homologation des chiens. Les clubs de races sont les recruteurs des chiens, ils accueillent les propriétaires et mettent à disposition tous les documents nécessaires pour les inscriptions au Livre des origines, LOS pour notre pays.
Comment et où trouver le bon sujet ?
Lorsque j’ai débuté ma « carrière » de trialisant, j’ai posé la question suivante au commandant Garnier, alors président du Club français de l’Epagneul breton : « Comment trouver le chien idéal pour envisager de l’engager dans des concours de travail, tout en l’utilisant à la chasse ? » Il m’a répondu : « Trouvez le propriétaire d’une bonne lice qui excelle à la chasse et qu’il va faire saillir par un étalon déjà bien souvent classé dans des concours » ! Cela m’est apparu comme une démarche plausible et j’ai eu la chance de trouver mon premier chien de concours en Suisse, issu d’une chienne très chasseuse et d’un mâle brillant dans les épreuves internationales. Dès cet instant, je regardais déjà UCKY de la Sciaz, EBM, comme auréolé de multiples récompenses. En fait, je suis tombé juste dans les bons critères sélectifs, puisqu’il est devenu beau et très bon à la fois. Toutes ses qualités m’ont été très utiles tout au long de sa carrière, il a reproduit de nombreux chiots en saillissant onze fois de bonnes chiennes. En revanche, du côté travail, ma jeune expérience n’a pas toujours suffi à le conduire au niveau de sa valeur réelle. J’ai fait un peu mieux avec un de ses descendants, DYAM du Crêt des Feux, EBM, que j’ai eu la chance de classer souvent et lors d’une Coupe d’Europe de printemps que le CsEB a gagnée en 1994. Ces résultats probants vont dans le sens des critères de sélection décrits plus haut, mais il est certain qu’ils ne sont pas les seuls dont il faut tenir compte. Adopter un chiot, c’est aussi jouer au loto ! En effet, dans les portées issues des meilleurs reproducteurs, il y a aussi des sujets susceptibles de ne pas devenir de « grands » chiens. Un facteur très important m’est apparu, il faut s’assurer de la bonne santé des parents, mais en particulier qu’ils aient été dépistés pour la dysplasie des hanches. Cette maladie se reproduit malheureusement génétiquement. La malformation des hanches peut provoquer chez le chien des boiteries importantes et le réduire à plus ou moins court terme à une grave infirmité. Dans ce cas, prendre l’option d’opérer un chien qui devrait courir vite et longtemps n’est pas du tout recommandée à mon sens. A part tout cela, le bon partage de vie est le secret de la réussite avec un nouveau compagnon à quatre pattes. Il réside dans un dressage ciblé vers les performances que l’on attend de notre pupille. Ne pas perdre de temps, mais aussi laisser le temps au temps, pour qu’il agisse favorablement ! Une bonne observation de la réactivité et de la compréhension de l’animal aidera beaucoup à obtenir un accord mutuel. Un ami dresseur m’avait dit : « Lorsque le chien fait une faute récurrente, réfléchis bien qui est le fautif : l’homme ou l’animal ? »
IRWAN des Tilleuls de Saint-Georges, un cas difficile…
A l’occasion d’une fin de saison de concours de printemps, un ami me présente un produit de l’une de ses chiennes, un mâle noir et blanc, âgé d’un an et demi et aux caractères de standard proches de la perfection.
Aussitôt je lui dis : « Tu m’en fabriques un de la même facture, orange et blanc, mais anoure et je te l’achète ! » Deux mois plus tard, Gilles m’appelle depuis sa Vendée natale pour me donner de ses nouvelles et me dit : « Souviens-toi, tu m’as passé une commande il y a quelque temps, et bien, huit chiots sont nés hier, l’un d’eux est orange et blanc et anoure ». Marché conclu, IRWAN est devenu suisse dès cet instant.
A réception de l’animal, nous l’avons assez rapidement habitué à son nouvel environnement, puis le travail du rappel a commencé de suite. Comme je le destinais particulièrement aux Fields trials, j’ai fait en sorte de lui laisser beaucoup d’initiative dans ses prises de terrain, tout en exigeant un ordre de retour immédiat. A l’âge de 9 mois, ses lacets, lors de sa quête, approchaient déjà les 100 à 150 mètres en plaine. Par contre, très vite, son ouverture en avant était souvent exagérée. Malgré beaucoup d’entraînement, cette façon de couvrir le terrain ne lui a jamais passé, et pire encore, il profite d’un moment d’inattention pour sortir de la main. Nous ne saurions lui reprocher sa passion de la chasse, mais de là à perdre trop souvent le contact avec lui, il y a un pas à ne pas franchir ! Cette dernière saison, j’ai aussi remarqué que s’il y avait une butte sur son parcours, il profitait de disparaître derrière elle pour que je ne puisse plus lui intimer l’ordre d’un retour immédiat. Il faut constamment que je reste sur mes gardes pour qu’il ne prenne pas l’ascendant sur moi, sans quoi un concours est rapidement perdu. Ce défaut, qui peut être une qualité dans certaines circonstances, a aussi influé sur son comportement en face des oiseaux. Etant très souvent à la limite maximale acceptée pour les chiens continentaux, IRWAN a commencé à se rendre compte qu’au-delà de cette limite, je perdais le contrôle sur lui. Alors, à l’instant où il prenait une émanation, il accélérait encore sa vitesse pour aller le plus vite possible au contact des oiseaux. Son arrêt ferme laissait à penser que la partie était gagnée et qu’il suffisait d’aller le servir pour entériner un bon point. Mais non, le chien me laissait aller jusqu’à 20 mètres de lui, puis commençait à « couler » sans m’attendre. Cette attitude déclenchait très souvent l’essor des perdreaux qu’il poursuivait au galop après le coup de feu tiré !
L’insupportable arriva !
Après de très nombreux échecs et trop de déconvenues, je me suis senti incapable d’aller de l’avant. Plutôt que de me séparer de lui, ma femme et moi avons opté pour un stage sérieux chez un bon dresseur professionnel. Avec celui-ci, IRWAN allait être mis régulièrement en présence d’oiseaux et pourrait être corrigé lorsqu’il prenait son indépendance. Après sept semaines de remise en question pendant l’été, lorsqu’il ne respectait pas le gibier, le chien a enfin compris ce que l’on attendait de lui. Son mentor m’a avoué n’avoir jamais eu autant de peine pour mettre un chien d’arrêt sage à l’envol des oiseaux. A un certain moment, il a même pensé renoncer à continuer son dressage. Au printemps suivant, le chien a encore passé deux semaines avec son dresseur sur du gibier naturel, des perdreaux en l’occurence. J’ai récupéré IRWAN pour le présenter en concours et j’ai enfin commencé à le classer de temps à autres. Certes, cela n’a pas été la fête tous les jours, mais j’ai réussi à ne plus avoir trop souvent la boule au ventre, en le découplant dans les grandes plaines. Ce chien me permet d’affirmer que son potentiel physique et son mental de chasseur sont nettement au-dessus de la moyenne des Epagneuls que j’ai conduits. Cela m’amène à dire qu’il ne faudrait pas qu’un chasseur à l’arrêt débutant acquière un chien tel que celui-ci. Pour un néophyte, il vaut mieux qu’il se tourne vers une portée issue de parents chasseurs, plutôt que de choisir un chiot né de grands champions de printemps. Les éleveurs sérieux sauront bien le conseiller dans son choix. Ce futur propriétaire ne doit pas oublier cette notion de partage et de respect qui doit régner dans le duo chasseur / chien. Il l’obtiendra en multipliant les sorties contrôlées, en récompensant l’animal de caresses et d’encouragements chaque fois qu’il l’aura mérité.
Maintenant, IRWAN va avoir 10 ans l’année prochaine et ne pourra plus être engagé dans les concours en France. Malgré ses défauts, il aura su tirer son épingle du jeu et prendre des points importants, sans toutefois atteindre le stade de champion de travail. En fait, il ne lui aura manqué qu’un CACT, Certificat d’Aptitude au Championnat de travail, pour accéder à ce titre. Pour moi, il restera mon Epagneul breton ayant su représenter un excellent sujet de sa race.