Sélectionner une page

LA TEMPÊTE A DÉVASTÉ LA FORÊT MAIS PAS LA FAUNE

LA TEMPÊTE A DÉVASTÉ LA FORÊT  MAIS PAS LA FAUNE
Le 24 juillet, les montagnes neuchâteloises ont vécu six minutes en enfer. L’image n’est pas usurpée. Pensez : la tempête a arraché ou brisé net, souvent à mi-hauteur, autant d’arbres qu’en coupent tous les forestiers bûcherons du canton réunis en une année !

Texte et photos de Giovanni Sammali

La phénoménale bourrasque, qui a bloqué les anémomètres à 217 km/h, a arraché ou endommagé 60 % des toits de la ville de La Chaux-de-Fonds, frappée de plein fouet. A la façon d’une gyrobroyeuse ou d’un chasse-neige invisible, elle a lézardé sur son passage des pans entiers de forêts, sur 100 à 150 mètres de largeur. En dehors de son passage, avec une limite très nette, les autres arbres sont restés intacts ! Y a-t-il eu un impact sur la faune ? Y aura-t-il des restrictions pour la chasse dont la « générale » s’ouvre le 1er octobre dans le canton ? Le point avec des spécialistes.
En parlant de spécialistes justement, il est à noter que les images de la rafale emportant tout sur son passage, hallucinantes, ont laissé perplexes les météorologues. Différente de l’ouragan de 1926, qui avait dévasté fermes et bétails sur une grand partie des crêtes du Jura, cette tempête n’était ni un cyclone ni une tornade. Et bien plus qu’une cellule orageuse.

« Ce sont 1600 hectares de forêt qui sont impactés avec, en première estimation, un volume de 100 000 m3 de bois abattu », note Pierre Alfter, ingénieur forestier cantonal, chef de la Section forêts, qui insiste sur la dangerosité des arbres à moitié tombés ou sous tension. Même s’ils sont en travers d’un chemin, « il ne faut pas y toucher. C’est là qu’il y a le plus de risque ».
Le 10 août, alors que le gros des interventions de libération des infrastructures et des parcs dévastés de la métropole horlogère touchait à sa fin, avec l’aide de septante-six militaires venus prêter main forte, la sécurisation des chemins et sentiers forestiers devait être planifiée.
« Après le déblaiement et la sécurisation de ces voies, la task force se penchera sur les massifs forestiers en soi. Mais tout ne sera pas nettoyé. Des espaces seront laissés en l’état », précise déjà Christophe Noël, chef du Service de la faune, des forêts et de la nature… un point qui peut d’ailleurs profiter au gibier.

Pas d’animaux signalés morts
« Aucun animal mort, piégé par des chutes de troncs, n’a été signalé à ce jour (réd: 10 août), indique le chef de service. Mais il paraît évident que des oiseaux et des mammifères ont dû être touchés ». En charge de la chasse, il estime à ce stade que des restrictions ne devront pas être imposées aux chasseurs. « La plus grande prudence n’en est pas moins recommandée à tous les adeptes de la forêt ! », s’exclame-t-il.

Vététistes, randonneurs, cueilleurs de petits fruits et champignonneurs sont avertis, même si la saignée très localisée créée par la tempête représente une surface très réduite en regard du canton.
« Une carte des zones non sécurisées est mise à jour en continu sur notre site www.ne.ch/autorites/DDTE/SFFN/ », profite de communiquer Christophe Noël.


Comme un géant qui aurait tapé du poing dans la forêt
Christian Lüthi, forestier et chasseur, nous a fait visiter le flanc de forêt, ravagé en deux endroits, de la Combe de Monterban, entre Les Brenets et Le Locle. « La rafale est venue de France. Une fois au-dessus des Frêtes, elle a replongé pour descendre dans cette combe, l’a parcourue sur 400 mètres avant de remonter jusqu’à la crête et de basculer sur le Crêt-du-Locle, pour transpercer La Chaux-de-Fonds et aller s’éteindre au-delà des Convers. Si elle avait suivi cette combe, elle aurait épargné la ville et n’aurait fait que des dommages en forêt ! », lance-t-il. S’avouant choqué, il relate une observation qui ajoute encore à l’étrangeté du phénomène. « Dans les Côtes du Doubs voisines, du côté de Moron, il y a un coin de forêt saccagé. Mais si avec Lothar, on avait tous les arbres couchés dans le même sens, là il y en a qui sont tombés vers le bas, d’autres en arrière, et au milieu… un énorme sapin qui est tombé vers le haut ! C’est incompréhensible. Comme si un géant avait tapé du poing au milieu de la forêt…».
Et le forestier de noter le nombre de troncs comme cisaillés à mi-hauteur. « Et les sapins blancs, dont les racines pivotantes plongent dans le sol, n’ont cette fois pas mieux tenu que les épicéas aux racines traçantes en surface. Un autre signe de la force du phénomène.»
Ce chasseur ne craint guère un impact sur le gibier. « Je suis très inquiet quant à l’effectif de chevreuils dans notre canton, mais cela remonte à avant cet événement. Je pense qu’on a sous-estimé le cumul des prédations, celles du loup venant alourdir celles des lynx…»


Impact positif pour le gibier 
Il y a pourtant une bonne nouvelle pour les chevreuils. Christophe Noël est presque gêné de l’évoquer, en regard de l’ampleur des dégâts urbains occasionnés (près de 100 millions de francs de dégâts) : « Sur le long terme, même si c’est triste à dire, ce type d’événement est favorable à la grande faune. Les ouvertures créées génèrent de forts développements de végétations herbacées, profitables aux chevreuils, qui trouvent aussi là des espaces pour se remiser.»
Christian Luthi rappelle de son côté que le phénomène a déjà été observé après Lothar : « On avait vu nombre de sangliers se remiser dans des coins de forêts dévastés.»

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Catégories