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JOURNAL D’UN  CHASSEUR  D’IL Y A CENT ANS

JOURNAL D’UN  CHASSEUR  D’IL Y A CENT ANS
Marc Matthey a compilé dès 1926 les cases prévues tout exprès pour relater ses jours de chasse… captivant et édifiant !

Texte de Giovanni Sammali (petit-fils d’Henri Lambelet du Brouillet, buraliste postal et chasseur)

Un matin dans la boîte aux lettres, une grande enveloppe avec un album rouge tout usé… Et le mot d’une amie, descendante du propriétaire de l’étrange ouvrage. « Retrouvé ce recueil de chasse dans mes affaires, dû au nom je suppose. Je le lègue à toi qui es chasseur. Tu en fais ce que tu veux. C’est pour l’anecdote.»

Un journal de chasse des saisons 1926 et 1927 ? Plus qu’anecdotique : c’est un morceau d’histoire  ! Edité par « Kohli Frères, chasseurs au Locle », il comporte des cases à remplir : Epoque, Gibier vu ou abattu, Lieux de chasse, Noms des chasseurs, Autres groupes de chasseurs, Météo du jour, et Observations. Pour chaque rubrique, les éditeurs donnent des indications à elles seules truculentes. Ainsi, pour les lieux, « On indiquera autant que possible les noms locaux officiellement connus et non ceux, changeants, des tenanciers des terres.»

Voyage dans le temps

« Marc Matthey fils, chasseur au Locle », ainsi qu’il a complété la page d’ouverture, a commencé à tenir ce livre de Souvenirs de chasse en 1926. Le parcourir est un voyage assez jouissif dans le temps et dans les forêts neuchâteloises, du col de La Sagne à La Brévine. On y accompagne l’auteur et ses compagnons d’équipe, et on découvre aussi le portrait du chalet familial à la Fretterta.
Si nombre de lièvres sont vus et chassés, et quelques-uns tirés, il est frappant de voir qu’en deux saisons, un seul chevreuil a été vu. C’est qu’à l’époque, la surexploitation forestière avait rendu très rare ce cervidé.

Il y avait en revanche encore des grands tétras. Rodolphe Klaye, camarade de Marc Matthey, réalisa ainsi « Un beau coup de fusil », pour reprendre le titre de la coupure de presse glissée dans les pages de l’album relatant le tir d’un superbe coq de bruyère sur les hauts de La Tourne, pesant près de 5 kilos et qui sera empaillé « nous dit-on ».

 

 

«Valdi», héroïne du journal

La relation du chasseur avec ses chiens occupe une grande place des récits. Avec des épisodes d’anthologie, comme celui qui vit le 7 septembre 1926 sa chienne Valdi « accidentellement couverte par le Spitz jaune à Rosetti ». Une « ventrée » immédiatement combattue par… « des injections de vinaigre et eau que Besse vétérinaire lui a administrées». Héroïne de l’album, cette bassette croisée avec un bruno léger était appelée « La Petite ». En lançant jusqu’à neuf lièvre le même jour, dont « cinq chasses sous nos yeux », elle faisait la fierté de son maître, qui la désigne comme une « grande championne ».  

Et quand Marc Matthey note le tir d’un lièvre entre le Cernil et Le Brouillet – lieu de chasse préféré du soussigné, où se trouve la maison de ses grands-parents maternels et où chassait son grand-père Henri Lambelet – de sacrées vibrations remontent depuis les racines ! Un aïeul qui notait quant à lui dans un agenda de poche les événements marquants de l’année, et donc les prélèvements à la chasse.

Cadeau inattendu, la magie de cet album rouge a opéré et recollé les fils du temps et d’un patrimoine à préserver. Cent ans plus tard, les émotions de la chasse et de ses moments de symbiose avec la nature sont les mêmes que celles de Marc Matthey et ses amis. Ancestrales. Immuables. Les forêts et les chevreuils sont revenus. Mais l’agriculture intensive a englouti nombre de biotopes, et nos pesticides dévastateurs pour la biodiversité ravagent la faune. Les chasseurs, qui restent parmi les meilleurs connaisseurs de la nature, veulent relever les défis de leur temps : ils deviennent acteurs de la préservation de la nature, en menant des actions concrètes dans le terrain, pour pérenniser nos paysages et notre faune. Pour que dans cent ans, on puisse toujours chasser dans nos forêts. Et que ceux qui liront le journal d’un chasseur que je vais tenir dès aujourd’hui puissent dire : ils ont réussi.

 

 

 

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